dimanche 19 août 2007

Secousse mondiale sur les marchés : Ketu en cause ?

Même si l'on n'est pas spécialement féru d'économie ou de placements financiers, l'étude des titres et parts de sociétés cotées en Bourse est intéressante car elle permet à l'étudiant en astrologie de vérifier de manière simple l'efficacité des techniques qu'il utilise. Il n'y a pas de place pour l'à peu près comme dans l'astro-psychologie ou autres repères à charlatans. Obtenir des résultats dans ce domaine devrait surtout permettre de prouver à nos contemporains que le principe à la base de tous les enseignements traditionnels, et notamment de l'astrologie, propose une alternative tangible au monde ultra-matérialiste dans lequel nous vivons, où le culte de la machine a pris le pas sur tous les autres... une alternative tangible, et du coup mesurable !


L'astrologie et la Bourse

Volguine a fort bien signalé que "les indications astrologiques sont d'autant plus complètes et précises que les choses pour lesquelles on dresse l'horoscope sont simples et ne possèdent pour ainsi dire qu'une ligne d'activité, qu'une dimension. Ces horoscopes faciles où l'influence astrale se manifeste dans toute sa plénitude comprennent également les cartes collectives dans lesquelles la volonté de l'esprit humain est très limitée par des contingences."

Un thème de première cotation en Bourse est en quelque sorte un thème d'élection qui a pour but d'apporter à celui qui en est l'initiateur non seulement la chose désirée (l'augmentation du capital) mais aussi la satisfaction. Tout ce qui concerne la satisfaction étant relié à la Lune qui régit les émotions, l'équilibre de l'esprit, les inhibitions et autres ressorts psychologiques, on comprend que la science des élections en Inde (Muhurta) fasse un usage intensif de critères lunaires, en même temps qu'elle étudie la maison I. Mais ce qui intéresse le spéculateur n'est pas tant cette satisfaction (qui concerne le conseil d'administration, le PDG ou autre décideur de la société qui est à l'origine de l'introduction), mais bien les fluctuations de la valeur cotée. Dans cette optique, un thème de première cotation n'a qu'une seule ligne d'activité, qu'un seul but: le profit, qui se juge de la maison II ou de la carte Hora.

Contrairement à ce que dit Volguine, bien que ce type d'horoscopes n'ait qu'une seule dimension (hausse ou baisse du cours), ils n'ont rien de faciles, surtout en raison d'influences globales qui peuvent en modifier les tendances déduites des configurations natales. On retrouve là un principe très ancien d'astrologie mondiale: c'est toujours la condition générale qui l'emporte sur le destin individuel. "Certains évènements surviennent aux hommes en vertu de conjonctures très générales, et non comme l'effet des qualités naturelles et particulières de chaque individu ... La cause la plus faible demeure toujours soumise à la loi de la cause la plus grande et la plus puissante." (Ptolémée)

Ainsi en cas d'influences célestes générales et suffisamment puissantes, peu importe la date de première cotation d'une société, elle sera emportée dans une tendance haussière ou baissière en même temps que les autres. C'est exactement ce qui se produit à l'heure actuelle sur les marchés à travers le monde. On se souvient aussi que l'explosion de la bulle spéculative des nouvelles technologies en 2001 a façonné à l'identique les graphes des cours de dizaines de titres, qui ont semblé dès lors peu sensibles aux influences planétaires en vigueur au moment de leur première cotation.

Pour Ptolémée, ce type d'influences globales est signé par les éclipses ou par les stations de Jupiter, Saturne ou Mars. Des facteurs essentiellement soli-lunaires si l'on considère la nature solaire des transits de Jupiter, celle lunaire des transits de Saturne, et la nature soli-lunaire évidente des éclipses manifestée par l'axe des noeuds. Pour étudier une influence générale, mondiale, nous n'avons pas de quoi nous appuyer sur des facteurs terrestres comme l'axe AS-DS. C'est pourquoi l'axe soli-lunaire formé par les noeuds est certainement très important. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut s'en servir dans un contexte économique mondial, mais je remarque qu'il y a en ce moment dans le ciel deux configurations très particulières qui sont a première vue de mauvais augure pour toute expansion matérielle.


Jupiter stationnaire et Jyeshta (Antarès)

Peut-être avez-vous observé ces soirs derniers le spectacle fascinant de Jupiter reprenant son mouvement direct dans la constellation du Scorpion ? il est juste à l'aplomb d'Antarès, la rouge, semblable à Mars.

Les Hindous ont baptisé Antarès et quelques étoiles voisines du nom de Jyeshta, "l'Aînée", car elle est la soeur aînée de Lakshmi, déesse de la beauté, de la fortune et de la prospérité. Lakshmi, épouse dévouée de Vishnou qui s'incarne à sa suite sous les traits de Sitâ dans l'épopée du Ramayana, est la déité que l'on associe à la maison II ou au D2. Il suffit de voir une représentation de Lakshmi la souriante pour comprendre qu'elle rayonne du bonheur de donner. De ses 4 mains qui représentent les 4 buts de la vie humaine (la vertu, le désir, l'ambition et la libération) s'écoulent toutes sortes de richesses. Elle a Jyeshta pour soeur aînée, mais Jyeshta est aussi et surtout sa rivale, et son exact contraire. Jyeshta parfois nommée Alakshmi (on retrouve ici le "a" privatif) est la déesse de l'infortune, de la malchance et de la pauvreté.

La demeure lunaire qui porte son nom est donc contraire à toute richesse, et ce n'est certainement pas pour rien que Ketu, qui porte les biens de ce monde en horreur, est exalté dans cette partie du ciel (le Scorpion). La station de Jupiter (qui signifie les finances, et en astrologie mondiale les milieux financiers, banques, etc.) si proche d'Antarès-Jyeshta est peut-être la manifestation de cette influence générale qui secoue tous les marchés financiers.

Mais ce n'est pas la seule, car dans le même temps, Saturne - qui est la petite aiguille de la montre du ciel si Jupiter est la grande - s'approche de Ketu dans la constellation du Lion. Si Jupiter régit les milieux financiers, Saturne régit quant à lui les épargnants et les transactions immobilières. Tous deux sont connectés à Ketu ces jours-ci, et ce n'est pas bon signe...


Ketu et les biens matériels

A chacun sa compréhension de la signification des planètes (qu'on peut beaucoup améliorer par certaines techniques) mais il me semble qu'une bonne définition de Ketu, la queue du serpent qui faillit empoisonner le monde, c'est celle du génie qui veille sur les marginaux, les laissés pour compte, les illuminés et tous ceux qui ont abandonné les biens de ce monde pour trouver (parfois) la voie de l'éveil. On dit Ketu maléfique, mais il n'est maléfique que pour nous les dormeurs qui vivons dans ce monde d'illusions et d'apparences, nous qui croyons à notre rêve car nous ignorons que nous dormons. Les sages, ceux qui se réveillent et comprennent que l'ignorance était la raison de leur illusion, vénèrent Ketu. Si vous lisez la vie de François d'Assise, vous comprendrez ce qu'est Ketu.

Les Hindous disent que même le Soleil et la Lune ont peur de Ketu, car il pourrait les avaler s'ils venaient à s'approcher trop près, même les rois, les reines et tous les puissants de ce monde doivent le craindre, car il emporte tout ce qui est de ce monde avec lui. Votre travail, vos économies, votre maison, votre voiture, rien de tout cela n'est important pour lui, pas même la vie qui est éphémère. Il est l'exact contraire de Rahu qui n'accorde d'importance qu'à tout ce qui est matériel.

Rahu et Ketu absorbent toute planète qui s'approche de trop près soit dans la spirale de la possession (Rahu veut posséder toujours plus et encore plus, il a une soif intarissable des biens de ce monde) soit dans le gouffre de la perte matérielle (Ketu se détache de tout jusqu'à se retrouver nu comme un ver). Leur action est semblable à celle d'un trou noir, et on peut légitimement douter de la théorie selon laquelle les noeuds envoient des aspects. "un trou noir est un objet massif dont le champ gravitationnel est si intense qu’il empêche toute forme de matière ou de rayonnement de s’en échapper. De tels objets n’émettent donc pas de lumière et sont alors noirs."

Si vous souhaitez vous livrer à la spéculation boursière, un conseil : mieux vaut miser sur Rahu que sur Ketu ...

Pour finir, on remarque comme bien souvent qu'il suffit de parcourir les articles de presse ou d'entendre les gens parler autour de soi pour retrouver dans les mots employés toute la symbolique des configurations célestes. Par exemple dans The independent on retrouve la symbolique de l'infection et du poison propre à Ketu (et au Scorpion).: "Un désordre financier qui pourrait infecter le monde : (...) ce qui n'est à l'heure actuelle qu'un problème localisé sur les marchés financiers pourrait se répandre comme une contagion infectieuse dans le reste du milieu des affaires."


vendredi 17 août 2007

Ashtakavarga et transits

S’il est tout à fait possible d’obtenir des résultats certes généraux mais satisfaisants avec les sous-périodes vimshottari, parvenir à isoler avec davantage de précision un événement annoncé en statique est autrement plus complexe. Le problème évident auquel on se heurte en descendant au niveau en dessous (inter périodes) c’est l’augmentation des choix possibles par le jeu des lois élémentaires de la probabilité. L’autre méthode pour franchir le cap et augmenter la précision dans la datation, c’est bien sûr celle des transits. En Inde les textes sont presque unanimes : les effets des transits se jugent par l’ashtakavarga … et en particulier par le système ashtakavarga recompilé et transmis par Krushna, dit KAS (Krushna Ashtakavarga System), très populaire ces derniers temps dans le milieu des astrologues. voir le site http://krushna.sageasita.com/

De nombreuses finesses de KAS m’ont certainement échappé puisque je suis sorti déçu de son apprentissage, mais je pense malgré tout que certaines observations pourront être utiles à celles ou ceux qui ont prévu de s’y attaquer.


Mise au point sur l'ashtakavarga (Krushna et autres)

Tout d’abord l’ashtakavarga fait partie intégrante des règles « classiques » de l’astrologie de l’Inde. Il apparaît dans tous les canons (Parasara, Mihira, etc). C’est une partie de la science astrologique et elle ne peut pas fonctionner indépendamment des autres parties. L’astrologie repose sur le principe que tout, absolument tout, est solidaire dans l’univers, et que, puisque tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, en connaissant les étoiles on connaît l’homme. L’étudiant en astrologie doit donc aborder ces différentes techniques en gardant à l’esprit qu’elles font partie d’un grand Tout, ne pas les étudier comme des techniques séparées, mais plutôt résoudre une à une les contradictions qu’elles semblent opposer l’une à l’autre.

Il ne faut donc pas oublier les règles élémentaires de la détermination de la puissance des planètes sous prétexte que l'on étudie un système qui semble radicalement distinct. Par exemple, si une maison occupe le signe du Bélier et reçoit un aspect de Saturne (dont il est le signe de chute), alors évidemment Saturne est considéré mauvais pour ce que signifie la maison, quel que soit le nombre de points ashtakavarga (AV) en ce lieu. Inversément si une maison tombe en Sagittaire et est aspectée par Jupiter par exemple. Ensuite dans un classement interviendraient les signes ami ou ennemi, et enfin les points AV. Ainsi, on n'obtient plus un système parallèle mais bien une autre facette d'un système d'interprétation unique, que l'on peut encore utiliser avec un bout de papier et un crayon, au cas où l'on a oublié sa "calculette à bindus" à la maison. D'ailleurs Krushna le dit lui-même dans un post sur son forum :
« Lorsqu'une planète est en exaltation, en domicile, en mulatrikona, elle donnera toujours de mauvais résultats pour la maison qu'elle aspecte. C'est une règle générale. Des résultats plus précis peuvent être établis en fonction des points AV qu'elle possède. Les planètes en chute, en signe ennemi donnent de bons résultats pour les maisons qu'elles aspectent. C'est encore une règle générale. Des résultats plus précis peuvent être obtenus à partir des points AV qu'elles ont dans le lieu qu'elles occupent. (...) Si l'on compare les effets de deux planètes ayant moins de 4 points et le même nombre de points dans le lieu qu'elles occupent, alors l'aspect de celle qui est en chute sera meilleur que l'aspect de celle qui est en exaltation. Cela n'est pas indiqué par les points mais dans son jugement, il faut en tenir compte. »
Cette précision semble être passée inaperçue : les points AV ne sont qu'un outil parmi d'autres pour juger de la puissance d'une planète par rapport à une maison. Elle fait écho à ce qu'on trouve généralement dans les chapitres sur l'ashtakvarga des classiques.
« Les planètes qui transitent des signes avec beaucoup de points donneront de bons résultats (...) Les résultats bénéfiques seront prédominants lorsque ces signes contiennent les lieux d'exaltation, domicile, amis de la planète et les résultats maléfiques seront ordinaires. » (Saravali, 53)


Inversément, certains aphorismes on ne peut plus classiques, et bien souvent parachutés sans de plus amples explications, semblent directement issus de l’ashtakavarga. Je pense notamment aux maisons upachayas, et à certaines propriétés des maisons XI et XII, affirmations que je vais détailler même si cela nous éloigne du sujet.


Origine des maisons upachayas

L’ashtakavarga tire probablement son origine des correspondances numériques établies entre les planètes et les phonèmes du sanskrit, suivant une théorie qui n’est pas sans rappeler les doctrines de Pythagore pour qui le nombre est l’essence des choses et rend compte sous forme intelligible de l’harmonie de l’univers, de la « musique des sphères ». La parole divine s’entend comme une musique. Lorsqu’elle est harmonieuse, qu’il y a consonance (c’est-à-dire unité du son), alors elle est signe de joie. Lorsqu’il y a dissonance (c’est-à-dire division du son) alors elle signifie la souffrance. Dans le système ashtakavarga qui est une représentation astrologique de cette réalité, la consonance se manifeste par un point, la dissonance par zéro.

Allons plus loin. En Occident, on considère que l’âme est l’oreille qui entend cette musique, et le christianisme nous montre qu’il existe un lien si étroit entre l’âme et Marie qu’on ne saurait parler de l’une sans évoquer l’autre. La Vierge, réceptacle de toutes les beautés d’En Haut comme la Lune est le réceptacle de la lumière du Soleil, entend la voix de Dieu par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, auquel la tradition associe la Lune. Ainsi pour l’astrologue, la Lune (principe réceptif par excellence) est l’oreille qui entend cette musique divine.

Ces correspondances symboliques signifient qu’il faut prêter une attention toute particulière à la répartition des points AV depuis la Lune, qui se font comme suit :

Soleil : 3 6 10 11
Lune : 1 3 6 7 10 11
Mars : 3 6 11
Mercure : 2 4 6 8 10 11
Jupiter : 2 5 7 9 11
Vénus : 1 2 3 4 5 7 8 11 12
Saturne : 3 6 11

Si à cela on rajoute que Rahu et Ketu contribuent pour un point AV aux maisons 3 6 et 11 depuis la Lune (d’après le Prasna Marga), on constate que les maisons les plus fournies en points sont les maisons dites upachayas III, VI, X et XI, en tête desquelles on trouve les maisons XI et III (qui sont notées E et D dans le système de Krushna et sont davantage susceptibles de donner l’événement). Les maléfiques contribuent particulièrement à ce classement des maisons, et on ne sera pas surpris de savoir que les classiques affirment que les maléfiques se comportent bien en maison upachaya (à ceci près que parmi les maléfiques seul le Soleil contribue à la maison X, et que donc par exemple Saturne ne se comporte pas bien en X bien qu’elle soit upachaya, ce qui explique un autre aphorisme « classique »).

Autre constatation, dans la liste ci-dessus, la XI depuis la Lune remporte 7 points loin devant toutes les autres maisons, et la XII se retrouve avec seulement 1 point, derrière toutes les autres. On retrouverait le même résultat en distribuant tous les points depuis Lagna : la XI a le plus de points, la XII a le moins de points. Or pour les astrologues indiens, la maison XI représente « tout ce qu’on reçoit (ou qu’on gagne) », et la XII « tout ce qu’on donne (ou qu’on perd) ». Coïncidence ? pas si sûr.

Ces quelques remarques contribueront je l’espère à montrer que le pire moyen d’aborder l’ashtakavarga c’est de remplir un fichier excel sans chercher plus loin le sens de ce que l’on fait. Car ce faisant, on croit pratiquer une astrologie « scientifique » comme le dit lui-même Krushna sur sa liste, en oubliant le principe fondamental selon lequel l’astrologie est un procédé oraculaire. Ce problème n’est d’ailleurs pas propre à KAS, il va de pair avec tout système numérologique, car « l’aspect négatif d’une telle approche de l’existence c’est qu’elle tend à substituer des pratiques et des concepts quantitatifs à des valeurs qualitatives. Elle a aussi tendance à mettre en exergue l’importance de la matière et des corps matériels, parce que ceux-ci se prêtent aisément à la mesure et à l’analyse quantitative, ce qui n’est pas le cas des réalités psychiques ou spirituelles. » (D.Rudhyar)

En tous cas, comme la notion même de maisons upachayas semble directement liée à l’ashtakavarga pour les raisons données ci-dessus, on comprend que le KAS repose sur cette théorie et fasse la part belle aux transits solaires (le Soleil donne ses points aux maisons 3-6-10-11 depuis la Lune). Cependant, à la pratique, l’interprétation des transits avec KAS n’est pas satisfaisante. Peut-être parce que la théorie d’un ascendant naturel (autre pilier du KAS) ne s’accommode pas bien du zodiaque sidéral (du moins à 12 signes) et qu’on peut soupçonner dans ce cas précis un emprunt au tropique ?


Les transits des planètes lentes

Pour ma part, de manière simple, j’ai tendance à ne plus regarder que les transits des planètes lentes Saturne et Jupiter, en jetant un œil sur les positions radicales qu’elles traversent. D’une part parce que le cycle de révolution de Jupiter qui dure 12 ans est tellement important qu’il est la base de l’astrologie chinoise des 12 signes annuels, et que le 12 indique la symbolique solaire de ses transits. Ensuite parce que la période de révolution de Saturne est de 28 ans en moyenne, ce qui l’apparente de fait à une symbolique lunaire.

Cet aspect bipolaire des transits de Saturne et Jupiter se retrouve dans le fait que les conjonctions entre ces deux planètes sont séparées de 19 ans, 19 étant un chiffre naturellement associé aux cycles soli-lunaires :
  • le cycle métonique de 19 ans pour qu’une nouvelle lune se produise exactement au même endroit
  • la révolution des nœuds prend 19 ans. Selon la tradition occidentale, le nœud Nord est semblable à Jupiter et le nœud Sud à Saturne.
On peut recouper avec les périodes planétaires en cours en observant si les planètes lentes traversent leurs lieux de dignité ou de débilité, ou transitent leurs positions natales.

jeudi 9 août 2007

L'importance de la tradition orale en astrologie

SOCRATE

Sais-tu, à propos de discours, quelle est la manière de faire ou de parler qui te rendra à Dieu le plus agréable possible ?

PHÈDRE

Pas du tout. Et toi ?

SOCRATE

Je puis te rapporter une tradition des anciens, car les anciens savaient la vérité. Si nous pouvions la trouver par nous-mêmes, nous inquiéterions-nous des opinions des hommes ?

PHÈDRE

Quelle plaisante question ! Mais dis-moi ce que tu prétends avoir entendu raconter.

SOCRATE

J'ai donc ouï dire qu'il existait près de Naucratis, en Égypte, un des antiques dieux de ce pays, et qu'à ce dieu les Égyptiens consacrèrent l'oiseau qu'ils appelaient ibis. Ce dieu se nommait Toth. C'est lui qui le premier inventa la science des nombres, le calcul, la géométrie, l'astronomie, le trictrac, les dés, et enfin l'écriture. Le roi Thamous régnait alors sur toute la contrée ; il habitait la grande ville de la Haute-Égypte que les Grecs appellent Thèbes l'égyptienne, comme ils nomment Ammon le dieu-roi Thamous. Toth vint donc trouver ce roi pour lui montrer les arts qu'il avait inventés, et il lui dit qu'il fallait les répandre parmi les Égyptiens. Le roi lui demanda de quelle utilité serait chacun des arts. Le dieu le renseigna ; et, selon qu'il les jugeait être un bien ou un mal, le roi approuvait ou blâmait. On dit que Thamous fit à Toth beaucoup d'observations pour et contre chaque art. Il serait trop long de les exposer. Mais, quand on en vint à l'écriture

"- Roi, lui dit Toth, cette science rendra les Égyptiens plus savants et facilitera l'art de se souvenir, car j'ai trouvé un remède pour soulager la science et la mémoire."

Et le roi répondit:

"- Très ingénieux Toth, tel homme est capable de créer les arts, et tel autre est à même de juger quel lot d'utilité ou de nocivité ils conféreront à ceux qui en feront usage. Et c'est ainsi que toi, père de l'écriture, tu lui attribues, par bienveillance, tout le contraire de ce qu'elle peut apporter. Elle ne peut produire dans les âmes, en effet, que l'oubli de ce qu'elles savent en leur faisant négliger la mémoire. Parce qu'ils auront foi dans l'écriture, c'est par le dehors, par des empreintes étrangères, et non plus du dedans et du fond d'eux-mêmes, que les hommes chercheront à se ressouvenir. Tu as trouvé le moyen, non point d'enrichir la mémoire, mais de conserver les souvenirs qu'elle a. Tu donnes à tes disciples la présomption qu'ils ont la science, non la science elle-même. Quand ils auront, en effet, beaucoup appris sans maître, ils s'imagineront devenus très savants, et ils ne seront pour la plupart que des ignorants de commerce incommode, des savants imaginaires au lieu de vrais savants."

PHÈDRE

Il t'en coûte peu, Socrate, de proférer des discours égyptiens ; tu en ferais, si tu voulais, de n'importe quel pays que ce soit.

SOCRATE

Les prêtres, cher ami, du sanctuaire de Zeus à Dodone ont affirmé que c'est d'un chêne que sortirent les premières paroles prophétiques. Les hommes de ce temps-là, qui n'étaient pas, jeunes gens, aussi savants que vous, se contentaient dans leur simplicité d'écouter un chêne ou une pierre, pourvu que ce chêne ou cette pierre dissent la vérité. Mais à toi, il importe sans doute de savoir qui est celui qui parle et quel est son pays, car tu n'as pas cet unique souci : examiner si ce qu'on dit est vrai ou faux.

PHÈDRE

Tu as raison de me blâmer, car il me semble aussi qu'il faut penser de l'écriture ce qu'en dit le Thébain.

SOCRATE

Ainsi donc, celui qui croit transmettre un art en le consignant dans un livre, comme celui qui pense, en recueillant cet écrit, acquérir un enseignement clair et solide, est vraiment plein de grande simplicité. Sans contredit, il ignore la prophétie d'Ammon, s'il se figure que des discours écrits puissent être quelque chose de plus qu'un moyen de réveiller le souvenir chez celui qui déjà connaît ce qu'ils contiennent.

PHÈDRE

Ce que tu dis est très juste.

SOCRATE

C'est que l'écriture, Phèdre, a, tout comme la peinture, un grave inconvénient. Les oeuvres picturales paraissent comme vivantes ; mais, si tu les interroges, elles gardent un vénérable silence. Il en est de même des discours écrits. Tu croirais certes qu'ils parlent comme des personnes sensées ; mais, si tu veux leur demander de t'expliquer ce qu'ils disent, ils te répondent toujours la même chose. Une fois écrit, tout discours roule de tous côtés ; il tombe aussi bien chez ceux qui le comprennent que chez ceux pour lesquels il est sans intérêt ; il ne sait point à qui il faut parler, ni avec qui il est bon de se taire. S'il se voit méprisé ou injustement injurié, il a toujours besoin du secours de son père, car il n'est pas par lui-même capable de se défendre ni de se secourir.

PHÈDRE

Tu dis encore ici les choses les plus justes.

SOCRATE

Courage donc, et occupons-nous d'une autre espèce de discours, frère germain de celui dont nous avons parlé ; voyons comment il naît, et de combien il surpasse en excellence et en efficacité le discours écrit.

PHÈDRE

Quel est donc ce discours et comment racontes-tu qu'il naît ?

SOCRATE

C'est le discours qui s'écrit avec la science dans l'âme de celui qui étudie ; capable de se défendre lui-même, il sait parler et se taire devant qui il convient.

PHÈDRE

Tu veux parler du discours de l'homme qui sait, de ce discours vivant et animé, dont le discours écrit, à justement parler, n'est que l'image ?

SOCRATE

C'est cela même. Mais dis-moi : si un cultivateur intelligent avait des graines auxquelles il tînt et dont il voulût avoir des fruits, irait-il avec soin les semer dans les jardins estivaux d'Adonis, pour avoir le plaisir de les voir en huit jours devenir de belles plantes ? Ou bien, s'il le faisait, ne serait-ce pas en guise d'amusement, ou à l'occasion d'une fête ? Mais pour les graines dont il voudrait s'occuper avec sollicitude, ne suivrait-il pas l'art de l'agriculture, les semant en un terrain convenable, et se réjouissant si tout ce qu'il a semé parvenait en huit mois à sa maturité ?

PHÈDRE

C'est bien ainsi qu'il ferait, Socrate, s'occupant, comme tu dis, des unes avec sollicitude, des autres en guise d'amusement.

SOCRATE

Et celui qui possède la science du juste, du beau, du bien, dirons-nous qu'il a moins d'intelligence que le cultivateur dans l'emploi de ses graines ?

PHÈDRE

Pas du tout, certes.

SOCRATE

Il n'écrira donc pas avec empressement ce qu'il sait sur de l'eau ; il ne le sèmera pas, avec encre et roseau, dans des discours incapables de se défendre en parlant, et incapables aussi de manière suffisante d'enseigner la vérité.

PHÈDRE

Ce n'est pas vraisemblable.

SOCRATE

Non, certes. Mais ce sera, semble-t-il, en guise d'amusement qu'il sèmera et écrira, si toutefois il écrit, dans les jardins de l'écriture. Amassant ainsi un trésor de souvenirs pour lui-même, quand il aura atteint l'oubli qu'apporte la vieillesse, et pour tous ceux qui marcheront sur ses traces, il se réjouira de voir pousser ces plantes délicates. Et, tandis que d'autres poursuivront d'autres amusements, se gaveront dans les banquets et dans d'autres passe-temps du même genre, lui, répudiant ces plaisirs, passera probablement sa vie dans les amusements dont je viens de parler.

PHÈDRE

C'est, en effet, Socrate, un très noble amusement, en regard des vils amusements des autres, que celui d'un homme capable de se jouer en écrivant des discours, et en imaginant des mythes sur la justice et sur les autres choses dont tu viens de parler.

SOCRATE

Ceci est vrai, mon cher Phèdre. Mais il est encore, je pense, une bien plus belle manière de s'occuper de l'art de la parole : c'est, quand on a rencontré une âme bien disposée, d'y planter et d'y semer avec la science, en se servant de l'art dialectique, des discours aptes à se défendre eux-mêmes et à défendre aussi celui qui les sema ; discours qui, au lieu d'être sans fruits, porteront des semences capables de faire pousser d'autres discours en d'autres âmes, d'assurer pour toujours l'immortalité de ces semences, et de rendre heureux, autant que l'homme peut l'être, celui qui les détient.