vendredi 17 août 2007

Ashtakavarga et transits

S’il est tout à fait possible d’obtenir des résultats certes généraux mais satisfaisants avec les sous-périodes vimshottari, parvenir à isoler avec davantage de précision un événement annoncé en statique est autrement plus complexe. Le problème évident auquel on se heurte en descendant au niveau en dessous (inter périodes) c’est l’augmentation des choix possibles par le jeu des lois élémentaires de la probabilité. L’autre méthode pour franchir le cap et augmenter la précision dans la datation, c’est bien sûr celle des transits. En Inde les textes sont presque unanimes : les effets des transits se jugent par l’ashtakavarga … et en particulier par le système ashtakavarga recompilé et transmis par Krushna, dit KAS (Krushna Ashtakavarga System), très populaire ces derniers temps dans le milieu des astrologues. voir le site http://krushna.sageasita.com/

De nombreuses finesses de KAS m’ont certainement échappé puisque je suis sorti déçu de son apprentissage, mais je pense malgré tout que certaines observations pourront être utiles à celles ou ceux qui ont prévu de s’y attaquer.


Mise au point sur l'ashtakavarga (Krushna et autres)

Tout d’abord l’ashtakavarga fait partie intégrante des règles « classiques » de l’astrologie de l’Inde. Il apparaît dans tous les canons (Parasara, Mihira, etc). C’est une partie de la science astrologique et elle ne peut pas fonctionner indépendamment des autres parties. L’astrologie repose sur le principe que tout, absolument tout, est solidaire dans l’univers, et que, puisque tout ce qui est en haut est comme ce qui est en bas, en connaissant les étoiles on connaît l’homme. L’étudiant en astrologie doit donc aborder ces différentes techniques en gardant à l’esprit qu’elles font partie d’un grand Tout, ne pas les étudier comme des techniques séparées, mais plutôt résoudre une à une les contradictions qu’elles semblent opposer l’une à l’autre.

Il ne faut donc pas oublier les règles élémentaires de la détermination de la puissance des planètes sous prétexte que l'on étudie un système qui semble radicalement distinct. Par exemple, si une maison occupe le signe du Bélier et reçoit un aspect de Saturne (dont il est le signe de chute), alors évidemment Saturne est considéré mauvais pour ce que signifie la maison, quel que soit le nombre de points ashtakavarga (AV) en ce lieu. Inversément si une maison tombe en Sagittaire et est aspectée par Jupiter par exemple. Ensuite dans un classement interviendraient les signes ami ou ennemi, et enfin les points AV. Ainsi, on n'obtient plus un système parallèle mais bien une autre facette d'un système d'interprétation unique, que l'on peut encore utiliser avec un bout de papier et un crayon, au cas où l'on a oublié sa "calculette à bindus" à la maison. D'ailleurs Krushna le dit lui-même dans un post sur son forum :
« Lorsqu'une planète est en exaltation, en domicile, en mulatrikona, elle donnera toujours de mauvais résultats pour la maison qu'elle aspecte. C'est une règle générale. Des résultats plus précis peuvent être établis en fonction des points AV qu'elle possède. Les planètes en chute, en signe ennemi donnent de bons résultats pour les maisons qu'elles aspectent. C'est encore une règle générale. Des résultats plus précis peuvent être obtenus à partir des points AV qu'elles ont dans le lieu qu'elles occupent. (...) Si l'on compare les effets de deux planètes ayant moins de 4 points et le même nombre de points dans le lieu qu'elles occupent, alors l'aspect de celle qui est en chute sera meilleur que l'aspect de celle qui est en exaltation. Cela n'est pas indiqué par les points mais dans son jugement, il faut en tenir compte. »
Cette précision semble être passée inaperçue : les points AV ne sont qu'un outil parmi d'autres pour juger de la puissance d'une planète par rapport à une maison. Elle fait écho à ce qu'on trouve généralement dans les chapitres sur l'ashtakvarga des classiques.
« Les planètes qui transitent des signes avec beaucoup de points donneront de bons résultats (...) Les résultats bénéfiques seront prédominants lorsque ces signes contiennent les lieux d'exaltation, domicile, amis de la planète et les résultats maléfiques seront ordinaires. » (Saravali, 53)


Inversément, certains aphorismes on ne peut plus classiques, et bien souvent parachutés sans de plus amples explications, semblent directement issus de l’ashtakavarga. Je pense notamment aux maisons upachayas, et à certaines propriétés des maisons XI et XII, affirmations que je vais détailler même si cela nous éloigne du sujet.


Origine des maisons upachayas

L’ashtakavarga tire probablement son origine des correspondances numériques établies entre les planètes et les phonèmes du sanskrit, suivant une théorie qui n’est pas sans rappeler les doctrines de Pythagore pour qui le nombre est l’essence des choses et rend compte sous forme intelligible de l’harmonie de l’univers, de la « musique des sphères ». La parole divine s’entend comme une musique. Lorsqu’elle est harmonieuse, qu’il y a consonance (c’est-à-dire unité du son), alors elle est signe de joie. Lorsqu’il y a dissonance (c’est-à-dire division du son) alors elle signifie la souffrance. Dans le système ashtakavarga qui est une représentation astrologique de cette réalité, la consonance se manifeste par un point, la dissonance par zéro.

Allons plus loin. En Occident, on considère que l’âme est l’oreille qui entend cette musique, et le christianisme nous montre qu’il existe un lien si étroit entre l’âme et Marie qu’on ne saurait parler de l’une sans évoquer l’autre. La Vierge, réceptacle de toutes les beautés d’En Haut comme la Lune est le réceptacle de la lumière du Soleil, entend la voix de Dieu par l’intermédiaire de l’archange Gabriel, auquel la tradition associe la Lune. Ainsi pour l’astrologue, la Lune (principe réceptif par excellence) est l’oreille qui entend cette musique divine.

Ces correspondances symboliques signifient qu’il faut prêter une attention toute particulière à la répartition des points AV depuis la Lune, qui se font comme suit :

Soleil : 3 6 10 11
Lune : 1 3 6 7 10 11
Mars : 3 6 11
Mercure : 2 4 6 8 10 11
Jupiter : 2 5 7 9 11
Vénus : 1 2 3 4 5 7 8 11 12
Saturne : 3 6 11

Si à cela on rajoute que Rahu et Ketu contribuent pour un point AV aux maisons 3 6 et 11 depuis la Lune (d’après le Prasna Marga), on constate que les maisons les plus fournies en points sont les maisons dites upachayas III, VI, X et XI, en tête desquelles on trouve les maisons XI et III (qui sont notées E et D dans le système de Krushna et sont davantage susceptibles de donner l’événement). Les maléfiques contribuent particulièrement à ce classement des maisons, et on ne sera pas surpris de savoir que les classiques affirment que les maléfiques se comportent bien en maison upachaya (à ceci près que parmi les maléfiques seul le Soleil contribue à la maison X, et que donc par exemple Saturne ne se comporte pas bien en X bien qu’elle soit upachaya, ce qui explique un autre aphorisme « classique »).

Autre constatation, dans la liste ci-dessus, la XI depuis la Lune remporte 7 points loin devant toutes les autres maisons, et la XII se retrouve avec seulement 1 point, derrière toutes les autres. On retrouverait le même résultat en distribuant tous les points depuis Lagna : la XI a le plus de points, la XII a le moins de points. Or pour les astrologues indiens, la maison XI représente « tout ce qu’on reçoit (ou qu’on gagne) », et la XII « tout ce qu’on donne (ou qu’on perd) ». Coïncidence ? pas si sûr.

Ces quelques remarques contribueront je l’espère à montrer que le pire moyen d’aborder l’ashtakavarga c’est de remplir un fichier excel sans chercher plus loin le sens de ce que l’on fait. Car ce faisant, on croit pratiquer une astrologie « scientifique » comme le dit lui-même Krushna sur sa liste, en oubliant le principe fondamental selon lequel l’astrologie est un procédé oraculaire. Ce problème n’est d’ailleurs pas propre à KAS, il va de pair avec tout système numérologique, car « l’aspect négatif d’une telle approche de l’existence c’est qu’elle tend à substituer des pratiques et des concepts quantitatifs à des valeurs qualitatives. Elle a aussi tendance à mettre en exergue l’importance de la matière et des corps matériels, parce que ceux-ci se prêtent aisément à la mesure et à l’analyse quantitative, ce qui n’est pas le cas des réalités psychiques ou spirituelles. » (D.Rudhyar)

En tous cas, comme la notion même de maisons upachayas semble directement liée à l’ashtakavarga pour les raisons données ci-dessus, on comprend que le KAS repose sur cette théorie et fasse la part belle aux transits solaires (le Soleil donne ses points aux maisons 3-6-10-11 depuis la Lune). Cependant, à la pratique, l’interprétation des transits avec KAS n’est pas satisfaisante. Peut-être parce que la théorie d’un ascendant naturel (autre pilier du KAS) ne s’accommode pas bien du zodiaque sidéral (du moins à 12 signes) et qu’on peut soupçonner dans ce cas précis un emprunt au tropique ?


Les transits des planètes lentes

Pour ma part, de manière simple, j’ai tendance à ne plus regarder que les transits des planètes lentes Saturne et Jupiter, en jetant un œil sur les positions radicales qu’elles traversent. D’une part parce que le cycle de révolution de Jupiter qui dure 12 ans est tellement important qu’il est la base de l’astrologie chinoise des 12 signes annuels, et que le 12 indique la symbolique solaire de ses transits. Ensuite parce que la période de révolution de Saturne est de 28 ans en moyenne, ce qui l’apparente de fait à une symbolique lunaire.

Cet aspect bipolaire des transits de Saturne et Jupiter se retrouve dans le fait que les conjonctions entre ces deux planètes sont séparées de 19 ans, 19 étant un chiffre naturellement associé aux cycles soli-lunaires :
  • le cycle métonique de 19 ans pour qu’une nouvelle lune se produise exactement au même endroit
  • la révolution des nœuds prend 19 ans. Selon la tradition occidentale, le nœud Nord est semblable à Jupiter et le nœud Sud à Saturne.
On peut recouper avec les périodes planétaires en cours en observant si les planètes lentes traversent leurs lieux de dignité ou de débilité, ou transitent leurs positions natales.

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